III. ENTREPRISE : LIBERER L'INITIATIVE

Constituer un tissu d’entreprises patrimoniales françaises

Le tissu économique français ne sera structurellement performant et dispensateur de richesses pour tout le pays – en dépit des aléas inévitables de la conjoncture –, que lorsqu’il reposera sur un réseau dense d’entreprises individuelles ou plurales, petites et moyennes, constituées autour d’un capital familial. A l’opposé du capital spéculatif, anonyme et vagabond, il faut donc développer le capital productif, personnalisé et localisé. C’est le but de la création de la Société de personnes à qualification reconnue (SPQR).

1. Instituer la Société de personnes à qualification reconnue (SPQR)

Cette forme sociale nouvelle, base de la "révolution entrepreneuriale" que nous voulons pour la France, est une structure juridique commode et souple pour les chefs d’entreprise, attractive pour les apporteurs personnels de capitaux, le chef d’entreprise lui-même, sa famille, ses proches et d’éventuels apports extérieurs, tout en offrant les meilleures garanties possibles aux tiers :

- sur la qualité professionnelle et la compétence gestionnaire de ses dirigeants ;

- sur leur capacité commerciale ;

- sur la pérennité de la société lors des transmissions, successions et donations ;

- sur sa capacité à se financer ou à se faire financer, en offrant une structure de bilan en rapport avec son activité ;

- sur son aptitude à former le personnel qualifié correspondant à ses besoins et à ceux de la profession.

Cette entreprise doit, de plus, être capable de propulser des responsables très qualifiés aux représentations professionnelles ou consulaires afin d’améliorer le niveau et le caractère de celles-ci. En un mot, il s’agit de constituer au sein de l’économie française un noyau solide ancré dans l’outil principal de la prospérité nationale et enraciné dans la partie de la société qui offre la plus grande capacité à entraîner le reste de la Nation.

2. Définir la Société de personnes à qualification reconnue (SPQR)

C’est une société de personnes, le contraire d’anonyme, dont le capital est structuré autour d’un nom qui est celui de la société. Sa qualification est précise, puisqu’elle correspond à une spécialité, à une compétence, à un produit ou à un type de produits. Elle est inscrite au registre du commerce et des métiers dans un domaine d’activité exactement défini et non, comme trop souvent actuellement, sous une raison sociale vague et indéfiniment extensible. Elle est reconnue puisqu’une consécration spécifique de compétence est exigée pour accéder à ce type de société et aux avantages auxquels elle ouvre droit. Son statut est démarqué de la SARL (société à responsabilité limitée) ; elle absorbe les EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée).

3. Donner à la Société de personnes à qualification reconnue (SPQR) des droits étendus

Son gérant, même majoritaire, bénéficie du statut de salarié, situation très appréciable du point de vue social et de la retraite. Le plafond de 50 salariés est aboli au profit de la SPQR pour lui permettre d’accueillir dans son capital les salariés de l’entreprise. La cession de parts, les apports, sont exonérés de droits d’enregistrement, quel qu’en soit le montant. Il en va de même en cas de succession, partage ou donation au profit d’héritiers, à la condition qu’ils gardent les parts pendant au moins cinq ans après la succession. De plus, ils doivent acquérir dans un délai de deux ans, les qualifications nécessaires pour diriger la société. Les apports au capital d’une SPQR sont déductibles, pour leur montant intégral, du total de l’impôt sur le revenu des personnes physiques du souscripteur, durant la période de suppression progressive de cet impôt. La SPQR dispose d’une accessibilité élargie aux procédures ANVAR et aux aides à la protection et à la recherche de marques et brevets.

4. Imposer à la Société de personnes à qualification reconnue (SPQR) des obligations spécifiques

Elle est obligatoirement française, les détenteurs du capital doivent être français à 66% de celui-ci. Le siège du principal établissement doit être situé en France. Son capital ne peut être inférieur à 150 000 F. La compétence du directeur-gérant est vérifiée avant l’enregistrement au registre du commerce et des sociétés ou des métiers et le conditionne. On lui demande des capacités techniques ou cinq ans effectifs d’activité dans le domaine couvert par la SPQR ainsi qu’une compétence gestionnaire et commerciale démontrée. Les parts prises par des sociétés d’investissement sont limitées à une fraction limitée de son capital.

La SPQR est légalement tenue de former des apprentis aux différents niveaux correspondant à la structure de son personnel et aux diplômes professionnels homologués ou reconnus par la profession de sa ou de ses spécialités. La SPQR est obligatoirement affiliée à un centre de gestion agréé qui fait office de structure de suivi pouvant déclencher la procédure de déchéance de statut. La non-conformité au critère de nationalité relatif aux dirigeants ou au siège entraîne automatiquement la nullité du statut de la SPQR.
 
 

Favoriser l’équilibre financier des entreprises françaises

5. Lancer et mettre en oeuvre la réforme fiscale

La réforme des prélèvements obligatoires que nous préconisons (cf. chapitres Économie et Fiscalité) est prioritairement destinée à permettre le redémarrage de l’investissement productif, seul à pouvoir créer des emplois durables. La suppression progressive de l’impôt sur le revenu, la suppression des droits de succession en ligne directe et de l’impôt-alibi "sur les grandes fortunes", la diminution des cotisations sociales, la restructuration des finances locales, la maîtrise des dépenses publiques en les ramenant à un taux compatible avec la prospérité du pays (35% maximum du PIB), toutes ces mesures favoriseront bien évidemment les entreprises françaises, principalement la SPQR, tant sur le marché national qu’à l’exportation.

6. Orienter l’épargne en direction des petites et moyennes entreprises

La réforme fiscale globale que nous entendons mener permettra de dégager des ressources d’épargne et de les orienter de manière privilégiée vers l’investissement de proximité. Les facilités fiscales accordées aux capitaux investis dans les entreprises familiales, PME et PMI, artisanat, commerce ou exploitation agricole, sans parler du régime privilégié des SPQR, opéreront un recentrage de l’épargne au détriment des grands circuits financiers qui offrent plus d’emprise à la spéculation comme à la taxation. Dans le même esprit, sera élargie la technique du "carry back", c’est-à-dire la possibilité d’amortir un investissement dès la première année au titre de laquelle il est inscrit au bilan de l’entreprise.

7. Développer le crédit-acheteur

La généralisation du crédit-acheteur ou la limitation du crédit interentreprises à trente jours au plus, apportera un soulagement significatif à la trésorerie des entreprises petites ou moyennes et familiales. En dehors du cas évident de la petite industrie, notamment en sous-traitance, et des fournisseurs des centrales d’achat payés actuellement à 90 ou 120 jours, il en résultera une pression sur la trésorerie des "grandes surfaces" (par centrales interposées ou non) qui ne pourra qu’être favorable à l’entreprise et au commerce de proximité. Plus le délai de paiement est bref et plus, en effet, se trouve circonscrit et maîtrisable le risque du vendeur.

8. Réformer les procédures en cas de difficultés de l’entreprise

Une telle réforme est nécessaire pour éviter "la gestion par le dépôt de bilan". Seuls les salaires et les précomptes retenus par l’entreprise au titre des charges sociales ainsi que les cotisations au fonds de garantie des salaires pourront faire l’objet d’un privilège de premier rang. Les hypothèques et garanties accordées par l’entreprise ou ses dirigeants à des prêteurs publics, bancaires ou privés, feront l’objet d’une publicité effective auprès des salariés et de l’ensemble des créanciers de l’entreprise. L’ensemble des créances autres que les salaires sera considéré sur un pied d’égalité en cas de liquidation, créanciers publics (Trésor...) compris.
 
 

Armer les entreprises françaises pour la bataille économique

9. Codifier les relations entre petites et grandes entreprises

L’environnement des petites et moyennes entreprises ou familiales comporte également les grandes entreprises. En dépit d’un certain progrès dans le rapprochement des unes et des autres, la convergence d’intérêts entre PME-PMI et grands groupes demeure aléatoire. C’est pourquoi, outre la charte de la sous-traitance, codifiant les droits et obligations des uns et des autres et le développement des bourses et forums de la sous-traitance, est-il nécessaire d’instituer des instances arbitrales afin de régler rapidement et efficacement les litiges entre grandes entreprises et PME-PMI, par le recours à l’opinion d’experts et d’hommes de l’art.

10. Organiser la protection internationale de nos entreprises

Toutes les entreprises subissent aujourd’hui les effets de la concurrence internationale. L’entreprise petite et moyenne ou familiale est moins bien armée que les grandes pour y faire face. Plus que toute autre, elle a besoin d’une protection efficace du marché national. Elle détient, en effet, des savoir-faire et des traditions d’expérience qu’il importe de maintenir et de protéger. La défense économique des frontières s’impose donc. Elle sera d’autant plus efficace qu’elle sera soutenue par des efforts de productivité et de qualité qui, sans sacrifier le capital d’une main-d’oeuvre de haut niveau ou bien formée, maintiennent les industries nationales en situation de soutenir, à armes égales, la comparaison avec tout concurrent potentiel. Toute aide publique sera refusée aux entreprises qui délocalisent pour réimporter en France. Seules les implantations à l’étranger dans le but de conquérir de nouveaux marchés pourront être soutenues.

11. Développer la concurrence interne en refusant les abus de position dominante

En matière de concurrence interne, que nous voulons aussi large que possible, le rôle de l’État est d’être un arbitre indépendant des intérêts en présence, soit le contraire de ce qu’il est aujourd’hui. La règle doit être que chacun puisse produire et vendre en respectant deux impératifs indiscutés. Le marché doit être aussi diversifié que possible et faire sa place à tous (pas d’abus de position dominante, pas d’oligopoles, pas de privilèges indus ou pérennisés sans justification). Le marché doit respecter des valeurs supra-commerciales tenant au Bien commun du pays (protection des frontières, juste prix pour le producteur, respect du consommateur, moralité dans les procédés commerciaux). Les privilèges fiscaux des coopératives seront abrogés.

12. Mettre fin à l’extension de la grande distribution

Des règles d’urbanisme plus sévères devront limiter, voire interdire, toute nouvelle réalisation d’équipements de grande distribution dans des périmètres précis : il ne faut pas laisser en ce domaine toute initiative aux élus locaux dont l’ambition est de réunir un nombre toujours plus grand d’habitants-contribuables. Par ailleurs, on peut imaginer, par exemple, de taxer au profit de l’État, les extensions commerciales au-delà de surfaces au sol et de hauteurs bien définies. Enfin, une sérieuse impulsion en faveur du développement des petites villes et des bourgs devra permettre l’implantation et la vigueur du commerce dit "de proximité".

13. Assainir la publicité

Il sera fait une stricte application des lois en matière de publicité et, si besoin est, le contenu et la portée en seront précisés pour éviter tout débordement. La publicité doit, en effet, respecter des critères d’esthétique, de moralité publique et d’honnêteté commerciale, les convictions et le libre choix du consommateur. Cela concerne aussi bien l’affichage que la télévision, la presse, le minitel, les journaux gratuits, Internet... La publicité et la communication font appel à des notions d’ordre public qui, sans que soit méconnue la nécessaire liberté du commerce et de l’industrie, lui sont néanmoins supérieures en vertu du Bien commun.