PROGRAMME DE LUTTE OUVRIERE POUR LES ELECTIONS LEGISLATIVES DE 2002
 
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Il faut interdire les licenciements dans les grandes entreprises

Cette idée fut développée pour la première fois par Arlette Laguiller lors de la campagne présidentielle de 1995. Aujourd'hui, cette revendication est reprise par des milliers de travailleurs sous la menace de licenciement ou licenciés par des entreprises faisant pourtant d'énormes bénéfices.
Il faut, en effet, interdire les licenciements dans les grandes entreprises et menacer de réquisition celles qui font des énormes profits et qui osent licencier quand même.
Il est en effet à la fois injuste, inhumain et criminel que les travailleurs, les ouvriers, les employés, les cadres, qui ont bâti par leur travail la fortune de quelques dizaines ou quelques centaines de privilégiés paient, en plus, de leur avenir, le fait que les actionnaires gardent leur fortune tandis que ceux qui la leur ont fait gagner sont jetés à la rue.
Mais certains, et surtout d'ailleurs les proches du gouvernement (que le gouvernement soit de droite ou de gauche), disent qu'interdire les licenciements, mesure même limitée aux grandes entreprises ultra riches, n'est pas possible et que c'est irréaliste.
 

Mais si, c'est possible !

Plusieurs fois dans la vie du pays, des gouvernements ont nationalisé de très grandes entreprises. Il est vrai qu'ils n'ont pas exproprié leurs propriétaires et qu'ils les ont dédommagés. Ils leur ont pourtant ôté cette puissance économique que représentait à l'époque la production d'énergie comme les charbonnages, l'électricité ou le gaz, ou un certain nombre de compagnies pétrolières, les chemins de fer, une partie des transports maritimes, des grandes banques.
Tout cela parce que, lorsque cela s'est produit surtout, en 1946 avec De Gaulle et en 1981 avec Mitterrand, l'Etat devait empêcher une fraction de la bourgeoisie de sacrifier les intérêts de l'ensemble de la classe bourgeoise aux intérêts de quelques uns. C'était en quelque sorte pour mettre de l'ordre dans la gabegie capitaliste.
Et aujourd'hui on ne pourrait pas sacrifier les intérêts de quelques uns à la défense du monde du travail, aux intérêts de ces villes et de ces régions qu'on appauvrit, voire qu'on désertifie, c'est-à-dire aux intérêts de la majorité de la population?
Mais si, on le pourrait et surtout on le devrait car c'est absolument indispensable pour éviter pire !
Mais surtout, on doit même les exproprier sans rachat ni indemnité. En effet ils ont gagné et mis de côté, depuis des années, cent fois, mille fois la valeur de leur entreprise.
Si certains grands groupes peuvent fermer des usines entières comme on ferme son réfrigérateur, c'est bien parce que la valeur d'une usine n'est rien par rapport à ce qu'ils possèdent par ailleurs.
Il faut empêcher ces gens-là, qui menacent le salut public, de nuire et pour cela leur arracher une partie de leur puissance économique. C'est pourquoi il faut réquisitionner leurs avoirs, sans rachat et sans indemnités.
 

Transparence des comptes en banque des grandes entreprises, de leur dirigeants et de leurs actionnaires

Mais pour empêcher vraiment les licenciements, il faut aussi que les travailleurs puissent révéler publiquement ce qu'ils savent de ce qui se passe dans leur entreprise.
Il faut que les ouvriers puissent comptabiliser ce qui entre et ce qui sort réellement de leurs usines, savoir qui sont les sous-traitants officiels et officieux, pourquoi des grandes entreprises comme Renault, Citroën, Peugeot et bien d'autres passent par ces marchands de chair humaine que sont les sociétés d'intérim, plutôt que d'embaucher directement les milliers de salariés qu'ils exploitent ainsi.
Il faut que les employés puissent dire à leurs camarades et à la population en général ce qu'ils savent sur la comptabilité de leurs entreprises, sur les paies des uns et des autres, sur les commandes sur-évaluées ou sous-évaluées à des fournisseurs complices. Il faut que les employés de banque puissent en faire autant et dire ce qu'ils savent des mouvements d'argent sur les comptes des dirigeants, des actionnaires et même des proches de ces énormes sociétés. Ce n'est que lorsque la justice s'en mêle qu'on a un petit éclairage sur ces égouts où circulent des flots d'argent pour acheter les intermédiaires, les hommes politiques, les chefs d'Etat.
L'affaire Elf a levé un petit coin du voile sur de tels agissements, comme des trafics d'armes et peut-être des concessions pétrolières où les ennemis politiques qui nous jouent la comédie se retrouvent main dans la main, comme le fils Mitterrand avec Charles Pasqua et les dénommés Sirven, ou Le Floch Prigent, PDG de Elf-Aquitaine.
Et si l'on pouvait révéler publiquement les vrais profits et à qui ils vont, on verrait sûrement que dans l'immense majorité des cas il y a du travail pour tout le monde, convenablement payé.
Quand le sort de milliers ou de millions de travailleurs, de milliers ou de millions d'Africains que l'on plonge dans la guerre civile est en jeu, on ne doit pas attendre qu'une indiscrétion permette à un juge d'instruction de se mêler un petit peu d'une telle affaire avant qu'on ait le temps de le déplacer.
Les travailleurs, les consommateurs ont la force et les moyens de contrôler tout cela mieux que les juges et de se défendre mieux qu'eux contre l'Etat. Il faudra bien qu'ils le fassent un jour si l'on veut que cette société ne continue pas à accumuler la pauvreté à un pôle pour permettre à la richesse de s'accumuler à un autre.
 

Changer le rôle de l'Etat et le contrôler

Les entreprises pourraient fonctionner et être gérées par l'Etat, mais sous le contrôle des travailleurs et de la population, pour servir réellement à la collectivité.
Par exemple, lorsqu'on a nationalisé une partie des banques, l'Etat ne les a pas unifiées et a laissé les banques nationalisées se faire concurrence entre elles.
Cette concurrence sert de prétexte au secret commercial et au secret bancaire. C'est ce qui permet l'opacité sur la destination des prêts, sur les taux comparés des prêts aux gros clients et aux petits clients, salariés ou petits commerçants, et sur la circulation de l'argent, propre ou sale.
Voilà pourquoi il faut non seulement rendre publics les comptes des entreprises nationalisées, mais aussi une coordination qui ne les rende pas concurrentes.
Les banques et les sociétés d'assurances, même nationalisées n'ont pas été mises au service de la collectivité. Pourtant, même avant le scandale des pertes dans la spéculation, une gestion plus coordonnée par l'intermédiaire de l'Etat aurait pu rationaliser leur fonctionnement afin de servir à développer l'économie et la production de biens utiles à la population et bon marché.
Il en a été de même dans l'industrie. Renault, nationalisée, s'est comportée comme une entreprise privée et maintenant que ses profits ont été rétablis par le licenciement de milliers de ses salariés, Renault est privatisée. Pourtant, la Régie Renault aurait pu être utilisée pour satisfaire les besoins en machines agricoles des petits paysans, ou pour fabriquer des autocars, des autobus, des tramways à prix coûtant pour les transports en commun, là où l'industrie privée vendait trop cher ou était défaillante.
L'Etat sous le contrôle réel de la collectivité pourrait intervenir beaucoup plus dans l'économie pour régulariser la production, pour faire qu'on ne produise pas des dizaines de milliers de voitures qui ne se vendent plus tandis que la population ne peut ni en acheter, ni disposer, par contre, de transports en commun valables. Une rationalisation nécessaire pour empêcher qu'on construise des immeubles de bureaux qui ne se vendent plus tandis qu'il y a une insuffisance criante de logements à des loyers accessibles à la population.
Et cela sans parler des appartements de luxe loués au prix des HLM aux proches du pouvoir, aux membres des mafias politiques.
Certains critiques intéressés s'opposent systématiquement à l'intervention de l'Etat dans l'économie, en prétendant que cela multiplierait la bureaucratie et tuerait l'initiative individuelle.
Mais ce que donne la propriété privée de ce qui devrait être collectif, on l'a vu avec le drame du tunnel du Mont-Blanc où près de quarante personnes ont été brûlées vives sur l'autel du profit privé.
Pourquoi ce qui est bon et même indispensable dans certains domaines serait-il si mauvais dans bien d'autres et, en particulier, dans le cas des grandes entreprises nécessaires à la collectivité?
Bien sûr, il ne s'agit pas de tout nationaliser et de tout centraliser, de l'artisan cordonnier au marchand de légumes du coin ou au petit producteur. Mais ce n'est pas cette concurrence-là qui est ruineuse pour l'économie, sans parler du fait que ceux-là ne s'approprient que le résultat de leur propre travail (quand ils y arrivent, et quand ils ne sont pas grugés par les banques, par des fournisseurs ou des grossistes capitalistes). Il s'agit des grandes entreprises capitalistes qui produisent à l'échelle d'un pays, voire à l'échelle du marché mondial, et dont la production résulte de l'activité de dizaines, voire de centaines de milliers de travailleurs. Le travail dans ces entreprises est déjà socialisé et leur activité productive concerne toute la société. Pourquoi les prises de décision et l'appropriation ne pourraient-elles être socialisées ?
Pourquoi ne pas harmoniser et planifier leur production et en définir la nature et la quantité en fonction des besoins de la collectivité, au lieu d'être en compétition les unes avec les autres pour rapporter le maximum de profits à une poignée d'actionnaires ?
 

Produire pour satisfaire les besoins de toute la collectivité et pas pour une minorité de profiteurs

Ce n'est pas une forme de société humaine que cette dictature de la Bourse et des actionnaires, qui sont sans coeur et sans entrailles. Pour que leurs actions cotent 2 ou 3% de plus, ils n'hésitent pas à faire fermer une usine et à jeter mille ou vingt mille travailleurs sur le pavé dans le monde.
Cette concurrence n'est pas nécessaire pour assurer le progrès et pour permettre de produire ce qui est nécessaire à la collectivité.
On peut produire à prix coûtant. Les bénéfices, comme ceux qui en profitent, ne sont pas nécessaires, ils sont simplement la rétribution d'une classe parasite, pas même pour un travail utile car, bien souvent, ce n'est pas eux qui dirigent.
Dire que le capital privé gère mieux l'économie que la collectivité est un mensonge.
Dans bien des secteurs économiques, il est possible de produire pour la collectivité sans faire du profit, sans but lucratif. Oh, certes, on ne peut produire à perte durablement. Mais les bénéfices faits aujourd'hui sont énormes et si on les reversait à la collectivité, on s'apercevrait que tout ce qu'on produit revient beaucoup moins cher qu'il n'est vendu.
On pourrait produire en fonction des besoins des individus, et pas seulement en fonction de leur moyen de paiement.
On laisse mourir de maladies des millions d'Africains ou d'Asiatiques pour ne pas léser les monopoles pharmaceutiques. On pourrait même rendre presque gratuits certains services, comme le logement, le gaz, l'électricité ou les transports en commun. La santé est déjà gratuite, normalement, et l'éducation l'est aussi, bien que la gratuité de ces conquêtes populaires soit actuellement remise en cause et de plus en plus amputée. Mais tous les besoins fondamentaux pourraient être sinon gratuits, du moins très bon marché.
Les routes sont gratuites, pourquoi les autoroutes et le train ne le seraient-ils pas ? L'air que nous respirons l'est encore (pour combien de temps car au rythme où vont les choses, on nous fera payer sa dépollution), mais pourquoi l'eau potable ne l'est-elle pas ?
Oui, en supprimant les bénéfices du grand patronat et sa mainmise sur les grandes entreprises, la collectivité pourrait fournir gratuitement, ou pour un prix très faible, à l'ensemble de la population bien des éléments de la vie.
L'Etat, s'il ne versait plus les sommes fantastiques qu'il verse aux banques pour payer les intérêts des emprunts qu'il a faits pour subventionner les capitalistes, n'aurait pas besoin de tous les impôts et, principalement ceux qui pèsent sur les classes populaires, pour financer tout cela.
 

Contrôle sur la politique des élus

Dans le programme de Lutte Ouvrière, il y a aussi la révocabilité des élus.
Nous élisons les conseillers municipaux et les maires pour six ans, les députés au parlement français ou européen pour cinq ans et nous élirons le président de la République pour cinq ans. Et si, dès le lendemain de leur élection, ils s'assoient sur leurs promesses électorales et s'ils font l'inverse de ce qu'ils ont promis, les électeurs ne peuvent rien dire pour des années. Et n'oublions pas que des Présidents comme Mitterrand ou Chirac, pour ne parler que des derniers, n'ont été finalement élus que par beaucoup moins que les électeurs inscrits.
Le seul moyen d'obtenir qu'un élu tienne parole, c'est qu'il y ait les moyens d'un contrôle permanent de la population sur sa politique et qu'il puisse être révoqué par ceux qui l'ont élu.
Les travailleurs et la population n'ont pratiquement aucun droit sur la gestion des ensembles locatifs, sur le fonctionnement économique des municipalités, surtout des grandes. Les élus devraient justifier et s'expliquer, en permanence, sur leurs décisions qui concernent la vie publique.
Voilà l'essentiel du programme de Lutte Ouvrière.