Il faut interdire les
licenciements dans les grandes entreprises
Cette idée fut développée
pour la première fois par Arlette Laguiller lors de la campagne
présidentielle de 1995. Aujourd'hui, cette revendication est reprise
par des milliers de travailleurs sous la menace de licenciement ou licenciés
par des entreprises faisant pourtant d'énormes bénéfices.
Il faut, en effet, interdire
les licenciements dans les grandes entreprises et menacer de réquisition
celles qui font des énormes profits et qui osent licencier quand
même.
Il est en effet à
la fois injuste, inhumain et criminel que les travailleurs, les ouvriers,
les employés, les cadres, qui ont bâti par leur travail la
fortune de quelques dizaines ou quelques centaines de privilégiés
paient, en plus, de leur avenir, le fait que les actionnaires gardent leur
fortune tandis que ceux qui la leur ont fait gagner sont jetés à
la rue.
Mais certains, et surtout
d'ailleurs les proches du gouvernement (que le gouvernement soit de droite
ou de gauche), disent qu'interdire les licenciements, mesure même
limitée aux grandes entreprises ultra riches, n'est pas possible
et que c'est irréaliste.
Mais si, c'est possible
!
Plusieurs fois dans la vie
du pays, des gouvernements ont nationalisé de très grandes
entreprises. Il est vrai qu'ils n'ont pas exproprié leurs propriétaires
et qu'ils les ont dédommagés. Ils leur ont pourtant ôté
cette puissance économique que représentait à l'époque
la production d'énergie comme les charbonnages, l'électricité
ou le gaz, ou un certain nombre de compagnies pétrolières,
les chemins de fer, une partie des transports maritimes, des grandes banques.
Tout cela parce que, lorsque
cela s'est produit surtout, en 1946 avec De Gaulle et en 1981 avec Mitterrand,
l'Etat devait empêcher une fraction de la bourgeoisie de sacrifier
les intérêts de l'ensemble de la classe bourgeoise aux intérêts
de quelques uns. C'était en quelque sorte pour mettre de l'ordre
dans la gabegie capitaliste.
Et aujourd'hui on ne pourrait
pas sacrifier les intérêts de quelques uns à la défense
du monde du travail, aux intérêts de ces villes et de ces
régions qu'on appauvrit, voire qu'on désertifie, c'est-à-dire
aux intérêts de la majorité de la population?
Mais si, on le pourrait
et surtout on le devrait car c'est absolument indispensable pour éviter
pire !
Mais surtout, on doit même
les exproprier sans rachat ni indemnité. En effet ils ont gagné
et mis de côté, depuis des années, cent fois, mille
fois la valeur de leur entreprise.
Si certains grands groupes
peuvent fermer des usines entières comme on ferme son réfrigérateur,
c'est bien parce que la valeur d'une usine n'est rien par rapport à
ce qu'ils possèdent par ailleurs.
Il faut empêcher ces
gens-là, qui menacent le salut public, de nuire et pour cela leur
arracher une partie de leur puissance économique. C'est pourquoi
il faut réquisitionner leurs avoirs, sans rachat et sans indemnités.
Transparence des comptes
en banque des grandes entreprises, de leur dirigeants et de leurs actionnaires
Mais pour empêcher
vraiment les licenciements, il faut aussi que les travailleurs puissent
révéler publiquement ce qu'ils savent de ce qui se passe
dans leur entreprise.
Il faut que les ouvriers
puissent comptabiliser ce qui entre et ce qui sort réellement de
leurs usines, savoir qui sont les sous-traitants officiels et officieux,
pourquoi des grandes entreprises comme Renault, Citroën, Peugeot et
bien d'autres passent par ces marchands de chair humaine que sont les sociétés
d'intérim, plutôt que d'embaucher directement les milliers
de salariés qu'ils exploitent ainsi.
Il faut que les employés
puissent dire à leurs camarades et à la population en général
ce qu'ils savent sur la comptabilité de leurs entreprises, sur les
paies des uns et des autres, sur les commandes sur-évaluées
ou sous-évaluées à des fournisseurs complices. Il
faut que les employés de banque puissent en faire autant et dire
ce qu'ils savent des mouvements d'argent sur les comptes des dirigeants,
des actionnaires et même des proches de ces énormes sociétés.
Ce n'est que lorsque la justice s'en mêle qu'on a un petit éclairage
sur ces égouts où circulent des flots d'argent pour acheter
les intermédiaires, les hommes politiques, les chefs d'Etat.
L'affaire Elf a levé
un petit coin du voile sur de tels agissements, comme des trafics d'armes
et peut-être des concessions pétrolières où
les ennemis politiques qui nous jouent la comédie se retrouvent
main dans la main, comme le fils Mitterrand avec Charles Pasqua et les
dénommés Sirven, ou Le Floch Prigent, PDG de Elf-Aquitaine.
Et si l'on pouvait révéler
publiquement les vrais profits et à qui ils vont, on verrait sûrement
que dans l'immense majorité des cas il y a du travail pour tout
le monde, convenablement payé.
Quand le sort de milliers
ou de millions de travailleurs, de milliers ou de millions d'Africains
que l'on plonge dans la guerre civile est en jeu, on ne doit pas attendre
qu'une indiscrétion permette à un juge d'instruction de se
mêler un petit peu d'une telle affaire avant qu'on ait le temps de
le déplacer.
Les travailleurs, les consommateurs
ont la force et les moyens de contrôler tout cela mieux que les juges
et de se défendre mieux qu'eux contre l'Etat. Il faudra bien qu'ils
le fassent un jour si l'on veut que cette société ne continue
pas à accumuler la pauvreté à un pôle pour permettre
à la richesse de s'accumuler à un autre.
Changer le rôle
de l'Etat et le contrôler
Les entreprises pourraient
fonctionner et être gérées par l'Etat, mais sous le
contrôle des travailleurs et de la population, pour servir réellement
à la collectivité.
Par exemple, lorsqu'on a
nationalisé une partie des banques, l'Etat ne les a pas unifiées
et a laissé les banques nationalisées se faire concurrence
entre elles.
Cette concurrence sert de
prétexte au secret commercial et au secret bancaire. C'est ce qui
permet l'opacité sur la destination des prêts, sur les taux
comparés des prêts aux gros clients et aux petits clients,
salariés ou petits commerçants, et sur la circulation de
l'argent, propre ou sale.
Voilà pourquoi il
faut non seulement rendre publics les comptes des entreprises nationalisées,
mais aussi une coordination qui ne les rende pas concurrentes.
Les banques et les sociétés
d'assurances, même nationalisées n'ont pas été
mises au service de la collectivité. Pourtant, même avant
le scandale des pertes dans la spéculation, une gestion plus coordonnée
par l'intermédiaire de l'Etat aurait pu rationaliser leur fonctionnement
afin de servir à développer l'économie et la production
de biens utiles à la population et bon marché.
Il en a été
de même dans l'industrie. Renault, nationalisée, s'est comportée
comme une entreprise privée et maintenant que ses profits ont été
rétablis par le licenciement de milliers de ses salariés,
Renault est privatisée. Pourtant, la Régie Renault aurait
pu être utilisée pour satisfaire les besoins en machines agricoles
des petits paysans, ou pour fabriquer des autocars, des autobus, des tramways
à prix coûtant pour les transports en commun, là où
l'industrie privée vendait trop cher ou était défaillante.
L'Etat sous le contrôle
réel de la collectivité pourrait intervenir beaucoup plus
dans l'économie pour régulariser la production, pour faire
qu'on ne produise pas des dizaines de milliers de voitures qui ne se vendent
plus tandis que la population ne peut ni en acheter, ni disposer, par contre,
de transports en commun valables. Une rationalisation nécessaire
pour empêcher qu'on construise des immeubles de bureaux qui ne se
vendent plus tandis qu'il y a une insuffisance criante de logements à
des loyers accessibles à la population.
Et cela sans parler des
appartements de luxe loués au prix des HLM aux proches du pouvoir,
aux membres des mafias politiques.
Certains critiques intéressés
s'opposent systématiquement à l'intervention de l'Etat dans
l'économie, en prétendant que cela multiplierait la bureaucratie
et tuerait l'initiative individuelle.
Mais ce que donne la propriété
privée de ce qui devrait être collectif, on l'a vu avec le
drame du tunnel du Mont-Blanc où près de quarante personnes
ont été brûlées vives sur l'autel du profit
privé.
Pourquoi ce qui est bon
et même indispensable dans certains domaines serait-il si mauvais
dans bien d'autres et, en particulier, dans le cas des grandes entreprises
nécessaires à la collectivité?
Bien sûr, il ne s'agit
pas de tout nationaliser et de tout centraliser, de l'artisan cordonnier
au marchand de légumes du coin ou au petit producteur. Mais ce n'est
pas cette concurrence-là qui est ruineuse pour l'économie,
sans parler du fait que ceux-là ne s'approprient que le résultat
de leur propre travail (quand ils y arrivent, et quand ils ne sont pas
grugés par les banques, par des fournisseurs ou des grossistes capitalistes).
Il s'agit des grandes entreprises capitalistes qui produisent à
l'échelle d'un pays, voire à l'échelle du marché
mondial, et dont la production résulte de l'activité de dizaines,
voire de centaines de milliers de travailleurs. Le travail dans ces entreprises
est déjà socialisé et leur activité productive
concerne toute la société. Pourquoi les prises de décision
et l'appropriation ne pourraient-elles être socialisées ?
Pourquoi ne pas harmoniser
et planifier leur production et en définir la nature et la quantité
en fonction des besoins de la collectivité, au lieu d'être
en compétition les unes avec les autres pour rapporter le maximum
de profits à une poignée d'actionnaires ?
Produire pour satisfaire
les besoins de toute la collectivité et pas pour une minorité
de profiteurs
Ce n'est pas une forme de
société humaine que cette dictature de la Bourse et des actionnaires,
qui sont sans coeur et sans entrailles. Pour que leurs actions cotent 2
ou 3% de plus, ils n'hésitent pas à faire fermer une usine
et à jeter mille ou vingt mille travailleurs sur le pavé
dans le monde.
Cette concurrence n'est
pas nécessaire pour assurer le progrès et pour permettre
de produire ce qui est nécessaire à la collectivité.
On peut produire à
prix coûtant. Les bénéfices, comme ceux qui en profitent,
ne sont pas nécessaires, ils sont simplement la rétribution
d'une classe parasite, pas même pour un travail utile car, bien souvent,
ce n'est pas eux qui dirigent.
Dire que le capital privé
gère mieux l'économie que la collectivité est un mensonge.
Dans bien des secteurs économiques,
il est possible de produire pour la collectivité sans faire du profit,
sans but lucratif. Oh, certes, on ne peut produire à perte durablement.
Mais les bénéfices faits aujourd'hui sont énormes
et si on les reversait à la collectivité, on s'apercevrait
que tout ce qu'on produit revient beaucoup moins cher qu'il n'est vendu.
On pourrait produire en
fonction des besoins des individus, et pas seulement en fonction de leur
moyen de paiement.
On laisse mourir de maladies
des millions d'Africains ou d'Asiatiques pour ne pas léser les monopoles
pharmaceutiques. On pourrait même rendre presque gratuits certains
services, comme le logement, le gaz, l'électricité ou les
transports en commun. La santé est déjà gratuite,
normalement, et l'éducation l'est aussi, bien que la gratuité
de ces conquêtes populaires soit actuellement remise en cause et
de plus en plus amputée. Mais tous les besoins fondamentaux pourraient
être sinon gratuits, du moins très bon marché.
Les routes sont gratuites,
pourquoi les autoroutes et le train ne le seraient-ils pas ? L'air que
nous respirons l'est encore (pour combien de temps car au rythme où
vont les choses, on nous fera payer sa dépollution), mais pourquoi
l'eau potable ne l'est-elle pas ?
Oui, en supprimant les bénéfices
du grand patronat et sa mainmise sur les grandes entreprises, la collectivité
pourrait fournir gratuitement, ou pour un prix très faible, à
l'ensemble de la population bien des éléments de la vie.
L'Etat, s'il ne versait
plus les sommes fantastiques qu'il verse aux banques pour payer les intérêts
des emprunts qu'il a faits pour subventionner les capitalistes, n'aurait
pas besoin de tous les impôts et, principalement ceux qui pèsent
sur les classes populaires, pour financer tout cela.
Contrôle sur la
politique des élus
Dans le programme de Lutte
Ouvrière, il y a aussi la révocabilité des élus.
Nous élisons les
conseillers municipaux et les maires pour six ans, les députés
au parlement français ou européen pour cinq ans et nous élirons
le président de la République pour cinq ans. Et si, dès
le lendemain de leur élection, ils s'assoient sur leurs promesses
électorales et s'ils font l'inverse de ce qu'ils ont promis, les
électeurs ne peuvent rien dire pour des années. Et n'oublions
pas que des Présidents comme Mitterrand ou Chirac, pour ne parler
que des derniers, n'ont été finalement élus que par
beaucoup moins que les électeurs inscrits.
Le seul moyen d'obtenir
qu'un élu tienne parole, c'est qu'il y ait les moyens d'un contrôle
permanent de la population sur sa politique et qu'il puisse être
révoqué par ceux qui l'ont élu.
Les travailleurs et la population
n'ont pratiquement aucun droit sur la gestion des ensembles locatifs, sur
le fonctionnement économique des municipalités, surtout des
grandes. Les élus devraient justifier et s'expliquer, en permanence,
sur leurs décisions qui concernent la vie publique.
Voilà l'essentiel
du programme de Lutte Ouvrière.
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