17. POLITIQUE COMMERCIALE COMMUNE

Reprendre le contrôle de la Commission

1 Réviser profondément les procédures de la politique commerciale commune (PCC) afin d’accroître sa transparence, de renforcer le pouvoir du Conseil, et de soumettre la Commission à un véritable contrôle :

- que tout projet d’accord commercial soit désormais accompagné d’un chiffrage précis de ses conséquences économiques, et que l’accord lui-même puisse être révisé si ses résultats constatés diffèrent de ceux qui étaient attendus ;

- que le mandat de négociation donné par le Conseil à la Commission soit toujours précis et limité ;

- que la Commission n’ait pas le droit de prendre des initiatives nouvelles ;

- qu’elle soit systématiquement accompagnée par un représentant du Conseil, chargé d’informer celui-ci du cours des négociations ;

- que le Conseil puisse à tout moment demander une suspension des négociations pour consultation ;

- que la Commission ne dispose d’aucun pouvoir de signature, même provisoire, susceptible de placer le Conseil devant le fait accompli ;

- que les décisions du Conseil soient prises à l’unanimité lorsqu’il s’agit d’abaisser nos défenses, et à la majorité simple lorsqu’il s’agit de les élever (en application d’un principe de solidarité minimum) ;

- que le Haut Représentant pour la PESC placé auprès du Conseil par le traité d’Amsterdam, reçoive aussi une compétence de mise en cohérence de la politique commerciale commune.

2 Donner au Conseil les moyens juridiques d’imposer véritablement sa volonté à la Commission (voir fiche 6- Equilibre institutionnel), et notamment, pour ce qui concerne la PCC, de reprendre un mandat de négociation qui lui aurait été donné.

3 Elargir le "code de conduite" adopté par la Commission en mars 1999, en y incluant des dispositions liées à la PCC, par exemple celle-ci : le renoncement formel de chaque membre de la Commission, pendant dix ans après l’expiration de son mandat, à occuper tout poste dans une organisation internationale non-européenne, ou dans une entreprise dont les capitaux ne seraient pas en majorité originaires de l’Union européenne.

4 Enfin et surtout, renforcer le pouvoir des Parlements nationaux sur la PCC. Ils n’ont plus rien à dire aujourd’hui dans les négociations européennes concernant les marchandises, et cette situation déplorable serait étendue aux services et à la propriété intellectuelle si le traité de Nice était ratifié par les quinze pays membres. Les Parlements nationaux doivent pouvoir demander à ratifier explicitement tout accord, même dans les domaines de compétences dites "exclusives" de la Communauté. Ce serait plus conforme, d’ailleurs, à l’article 53 de notre Constitution.
 

18. MONNAIE

L'euro, un "bouclier" qui nous écrase

1 Après la mise en circulation des pièces et des billets en euros, montrer par l'expérience que la monnaie unique a été pensée sans considération des problèmes concrets des citoyens ; en tirer des enseignements pour que de telles erreurs ne se reproduisent plus ; en particulier, démocratiser les processus de décisions européens (voir fiche 2 -Démocratie), à l'occasion de la prochaine réforme des institutions (CIG de 2004).

2 Bloquer la dérive vers le super-Etat que les fédéralistes ont planifiée pour demain en s'appuyant sur l'euro ; ne pas accepter les transferts de pouvoirs supplémentaires qui seront inévitablement demandés pour la gestion de l'euro ; refuser l'idée d'une centralisation autour d'un "gouvernement économique" de l'Europe.

3 Au contraire, mettre en place des réformes qui tendront à garantir le respect des démocraties nationales dans la gestion de l'économie :

- faire acter dans le traité le droit de chaque Etat de s'organiser ;

- faire acter de même que la coordination européenne, si elle est souhaitable, doit respecter le droit de chaque Etat de gérer son économie en tenant compte des besoins de ses citoyens.

4 Montrer en toutes circonstances que l'euro coûte plus cher qu'il ne nous rapporte.

5 Dès le premier "choc asymétrique", ou lorsque, pour d'autres raisons, les économies des pays membres divergeront, préparer la dissociation du système, avec d'un côté un euromonnaie commune, et de l'autre des monnaies nationales (pour la France, dans un premier temps, un nouveau franc serait égal à un euro).

6 Préparer la fusion de l'euro dans une monnaie de référence mondiale, monnaie commune se superposant aux monnaies nationales (comme l'ancien Ecu).
 

19. POLITIQUES ÉCONOMIQUES

Pouvoir réaliser son potentiel

1 Affirmer que l’Europe réalisera mieux son potentiel de croissance si chaque pays peut disposer d’une politique économique nationale adaptée à ses besoins ; en conséquence, mettre fin au dogme de la convergence obligatoire qui impose un corset étouffant aux économies des pays membres ; lui préférer une coordination non contraignante.

2 Ne pas s’enfermer dans l’impératif d’un pacte de stabilité uniforme dans son contenu comme dans son calendrier, et limité à la mesure du seul critère réducteur du déficit public (en oubliant par exemple le niveau des dépenses ou des prélèvements obligatoires).

3 Réformer la procédure des "grandes orientations de politique économique" (GOPE), des "plans de stabilité", et plus généralement de la surveillance multilatérale, pour leur enlever leurs aspects de procédures disciplinaires à l’encontre de démocraties nationales souveraines.

4 Maintenir la liberté de choix fiscal de chaque Etat, en l’accompagnant d’une coopération administrative fondée sur la transparence.
 

20. MARCHÉ UNIQUE

Europe disciplinaire ou Europe du libre choix

1 Laisser aux peuples d’Europe le libre choix de leurs règles ; ne pas persécuter comme aujourd’hui ceux qui veulent des normes d’environnement, de sécurité ou de santé publique plus élevées que la moyenne.

2 Revaloriser l’usage des directives, et limiter les règlements, d’application directe et obligatoire, aux cas où tous les membres de l’Union sont unanimement d’accord.

3 Refuser (bien entendu) tout pouvoir de sanction autonome à la Commission; mais abroger aussi l’article 228 TCE qui viole la souveraineté des démocraties nationales en autorisant la Cour de Justice à infliger des amendes aux Etats.

4 Autoriser les pays membres à prendre des mesures dérogatoires aux normes harmonisées, si leurs Parlements nationaux le demandent ; revoir en ce sens l’article 95 TCE du traité d’Amsterdam.

5 Rétablir – ou réaffirmer selon les cas – les droits de sauvegarde nationaux, notamment dans les matières de sécurité alimentaire, de santé publique, d’ordre public, et de préservation du patrimoine et de l’identité.
 

21.ENTREPRISES

Avant tout, établir un cadre favorable

1 Offrir aux entreprises un cadre monétaire stable, qui peut passer par l’évolution de l’euro vers le statut de monnaie commune, insérée dans un Système Monétaire Européen rénové (voir fiche 18- Monnaie) ; ne pas accepter en tout cas l’évolution de l’euro vers un système rigide entraînant des prélèvements obligatoires supplémentaires.

2 Réorienter la politique de la concurrence afin de favoriser les regroupements d’entreprises européennes, et l’émergence d’acteurs européens au niveau mondial ; lancer la négociation internationale d’un "code mondial de la concurrence".

3 Réviser la politique européenne qui prohibe absolument les aides d’Etat (sauf si ce sont des aides aux régions) : il faut en effet trouver une meilleure ligne de partage entre les aides qui maintiennent artificiellement en activité des secteurs dépassés, à un coût exorbitant pour le contribuable, et les aides qui visent à préserver des industries stratégiques importantes pour l’indépendance économique ou l’identité culturelle du pays. C’est chaque Etat qui doit être responsable, démocratiquement, du tracé de la ligne de partage, sans avoir à recevoir de leçons de la Commission.

4 Améliorer l’efficacité et la transparence du processus de normalisation en le faisant reposer sur la participation et le consensus de toutes les parties intéressées ; refuser toute tentation d’imposer les normes sous prétexte qu’il faudrait accélérer les négociations.

5 Défendre l’Europe plus énergiquement contre les actions commerciales américaines qui lèsent nos intérêts ; faire insérer dans les prochaines négociations commerciales internationales la préoccupation des différences de coûts sociaux, et la nécessité pour chacun de pouvoir préserver son modèle (voir fiche 16- Mondialisation).
 

22. EMPLOI

Retrouver une croissance équilibrée

1 Pour lutter contre le chômage, développer entre les pays membres l’échange d’expériences positives, mais ne pas approfondir le titre VIII du traité d’Amsterdam dans un sens dirigiste, comme le voudraient les socialistes.

2 Refuser le super-Etat dont le coût et les réglementations risquent d’annuler pour les entreprises les bénéfices du marché commun.

3 Maintenir la coexistence de l’euro et des monnaies nationales, avec la possibilité d’un ajustement réciproque en souplesse (voir fiche 18- Monnaie).

4 Défendre avec énergie nos intérêts commerciaux dans les négociations internationales de l’Organisation Mondiale du Commerce, afin de prévenir le déménagement de nos industries et de notre agriculture (voir fiches 171825).

5 Créer un outil statistique des flux d’emplois entre nations, afin de mieux cibler nos politiques.

6 Renforcer les contrôles aux frontières afin de mieux prévenir une immigration toujours mal maîtrisée ; n’accorder de droit de séjour qu’aux travailleurs offrant des qualifications réellement nécessaires sur les différents marchés européens.
 

23. SERVICES PUBLICS

La légitimité des missions d’intérêt général

1 Introduire dans le traité une disposition reconnaissant la compétence des Etats sur leurs services publics, en suivant le modèle de l’actuel article 295 TCE (ex 222) relatif au régime de la propriété ; on pourrait ainsi ajouter la phrase suivante à l’article 16 TCE : "le présent traité ne préjuge en rien le régime des services publics, nationaux ou locaux, qui relève de la compétence des Etats membres".

2 Réviser l’article 87 TCE (ex 92) pour introduire en général l’autorisation de péréquation des tarifs ou d’aides publiques destinées à "rembourser certaines servitudes inhérentes à la notion de service public". Cette possibilité était depuis longtemps prévue à l’article 73 TCE (ex 77), mais pour le seul secteur des transports. Le traité d’Amsterdam a fait un pas de plus en ajoutant le secteur de la radiodiffusion de service public (protocole n 9). Il faut maintenant aller plus loin.

3 Défendre, face aux diverses politiques européennes, le principe d'égalité raisonnable d'accès au service public, quel que soit le milieu géographique, rural ou urbain.

4 A l’article 86 TCE (ex 90), supprimer les pouvoirs autonomes de la Commission, qui aujourd’hui peut adresser de son propre chef des "directives" ou des "décisions" aux Etats membres pour introduire la concurrence dans la gestion des "services d’intérêt économique général".

5 Confier la mission d’application des règles de la concurrence à une agence distincte de la Commission (mais soumise évidemment au contrôle du Conseil et du Parlement européen).
 

24. AGRICULTURE

Défendre un autre modèle

1 A l'occasion du bilan à mi-parcours des mesures agricoles de l'Agenda 2000 (en 2002- 2003), de la prochaine conférence intergouvernementale (2004) et de la négociation des perspectives financières pluriannuelles (2006), procéder à une réforme complète de la politique agricole commune, aujourd'hui trop productiviste, insuffisamment respectueuse de l'environnement, bureaucratique et très coûteuse budgétairement ; prendre le tournant vers une agriculture durable, fondée sur les notions d'équilibre (dans ses rapports avec la nature), et de sécurité (des produits alimentaires, des approvisionnements, de l'environnement) ;

2 Promouvoir dans cet esprit le modèle d’une zone européenne distincte de qualité agricole supérieure, reposant sur trois piliers :

• Des normes de qualité du plus haut niveau

Ces normes de qualité, de sécurité sanitaire, de non-pollution, de prudence à l’égard des manipulations génétiques, doivent s’imposer à l’ensemble des agriculteurs des pays participant à la PAC. Des réglementations bien plus sévères qu'aujourd'hui sont nécessaires.

• Des prix du marché rémunérateurs

En conséquence des normes élevées, les prix des produits de base devront nécessairement s’afficher à un niveau plus élevé. Mais l’impact à la consommation sera faible, compte tenu du poids prépondérant des coûts intermédiaires de transformation (les produits agricoles bruts ne représentent que 3,5 % du budget total d'un ménage moyen).

• Un commerce international équitable

Pour préserver cette zone européenne de qualité agricole supérieure, ne pas la laisser noyer dans le libre-échangisme mondial : défendre la notion de "concurrence équitable", pour que les produits importés respectent les normes que nous aurons librement décidées ; préserver notre indépendance alimentaire, grâce à la préférence communautaire qui permettra de maintenir en Europe les productions essentielles. Ces deux notions - commerce équitable et préférence communautaire - doivent être défendues sans concession au cours des négociations internationales à venir (voir ci-dessous point 5, et fiche 16- mondialisation).

3 Encourager la mise en place, commencée en 1992, de mesures "agro-environnementales" destinées à soutenir l'agriculture durable, par exemple la production et l'élevage extensifs, les méthodes de cultures nécessitant peu d'additifs, l'agriculture biologique, la protection des patrimoines génétiques, etc...

4 Promouvoir la qualité des produits, non seulement par une réglementation sévère, mais aussi la promotion internationale du véritable biologique, des appellations d'origine protégée, des indications géographiques protégées, des attestations de spécificité ou des produits fermiers... rappeler aux institutions européennes que la promotion internationale des terroirs signifie d'abord que l'Union ne détruise pas les siens par une politique d'uniformisation inconsidérée (exemple : fromages au lait cru).

5 Revoir la notion de "vocation exportatrice" de l'Europe, qui est vraie pour certaines productions agricoles de haute qualité (vins, fromages, etc...), mais qui est globalement fausse (l'Europe est globalement importatrice de produits agricoles), et ne sert qu'à détourner nos énergies vers des exportations d'intérêt secondaire (céréales), au détriment de productions internes qui seraient très utiles pour notre indépendance alimentaire (voir points 11 et 12 - plan "protéines").

6 Réduire le poids du budget agricole européen grâce à la préférence communautaire qui, en permettant des prix plus élevés sur le marché intérieur, allège à due concurrence les aides au revenu des agriculteurs, donc les charges des contribuables.

7 Pour les négociations agricoles à venir dans le cadre de l'OMC, afficher dès le départ l'objectif d'une zone européenne spécifique, recherchant la qualité supérieure, le respect de l'environnement et l'indépendance alimentaire ; dans ce but, rejeter la position adoptée par le Conseil agriculture des 2021 novembre 2000, qui mise sur l'ouverture des marchés en adoptant à nouveau la même approche que pour l'Uruguay Round : réduction moyenne globale des tarifs douaniers consolidés, et réduction minimale par ligne tarifaire ; au contraire, réaffirmer que l'objectif d'une zone européenne spécifique nécessite des mesures de sauvegarde permanente, notamment la préférence communautaire et l'utilisation du principe de précaution.

8 Faire progresser l'idée d'un "cofinancement" de la PAC conjointement par l'Union et les pays membres, allant de pair avec la reconquête d'une marge autonome d'adaptation par les pays membres ; tenir ferme sur le principe que les crédits ainsi dégagés au niveau européen doivent être restitués aux Etats, et non utilisés par l'Union à d'autres fins ; s'orienter ainsi progressivement vers une politique agricole dans laquelle la préférence communautaire et les principes de base du marché intérieur seraient décidés en commun au niveau européen, tandis que la gestion et l'application seraient restitués au niveau national.

9 Accepter l'idée que, si certains Etats membres refusent la perspective d'une zone agricole spécifique défendant son propre modèle face au libre-échangisme mondial, les autres puissent mener de leur côté une politique agricole qui leur soit propre, sur la base de ces principes, et dans le cadre d'une Europe à géométrie variable.

10 Négocier avec les pays de l'Est candidats des périodes de transition, destinées à couvrir au moins la période entre l'accession des premiers d'entre eux (2003) et la mise en place des derniers éléments de la réforme de la PAC (2006).

11 Lancer un vaste "plan protéines" afin de remplacer les aliments pour bétail susceptibles de compromettre notre indépendance car importés massivement (soja américain), ou de poser des problèmes sanitaires (maïs et soja américains contenant des OGM, farines de viandes et de poisson, graisses animales, etc...); fonder ce plan, non sur une simple dérogation partielle au système des jachères, mais sur sa suppression totale, afin de cultiver des "légumineuses fourragères (trèfles, fèves, pois...).

12 En complément nécessaire à ce plan protéines, dénoncer le volet oléagineux de l'accord commercial de Blair House, qui limite la protection et la production européennes dans ce secteur (la Commission européenne refuse énergiquement, aujourd'hui encore, la dénonciation de cet accord).

13 Rendre plus sévère la réglementation actuelle d'étiquetage des denrées alimentaires en obligeant à mentionner tous les ingrédients d'un produit (et non seulement ceux présents au-dessus d'un certain pourcentage) ; signaler sur l'étiquetage tous les allergènes connus.

14 Concernant les organismes génétiquement modifiés (OGM), appliquer le principe de précaution, et maintenir le moratoire sur les autorisations aussi longtemps que des garanties élevées n'auront pas été apportées sur l'innocuité des produits, la traçabilité de leur parcours et la transparence totale du processus de prise de décisions (voir détails en fiche 25 ci-après).